>Quelques "célébrités" de
l'Echasse :
>- Hans Hirtz (inscrit vers 1426) : auteur d'un portement de
la croix
> vers 1440 avec
l'Eglise St Thomas en arrière-plan (entrée de la
> "petite
France" actuelle pour les touristes).
S'il est incontestable que Hans Hirtz fut actif
a Strasbourg,
il est en revanche plus hypothétique de lui prêter l'identité
du maître de la passion de Karlsruhe qui devait posséder une documentation
impressionnante sur les armes d'hast si l'on en juge par deux oeuvres que
l'on peut découvrir :
et
>- Nicolas Gerhaert de Leyde
(inscrit en 1464, est resté 4 ans à
> Strasbourg seulement) :
c'est néanmoins là qu'il réalisa ses plus
> belles sculptures,
transformant même le style local selon certains
> historiens de
l'art.
>- Pierre d'Andlau : auteur de
nombreux vitraux visibles à Nancy
> (pays de langue étrangère
pour l'époque donc...), Salzbourg,
> Innsbrück, Nuremberg
...
> ...Les orfèvres ne furent pas en reste et Philippe
Dollinger
> cite le magnifique reliquaire de Hallwyl (CH) réalisé
par un
>strasbourgeois de l'Echasse.
Ce objet fait partie du trésor de la cathédrale de Bâle. Un poinçon
de la Zunft est visible sur la base. Le précité Nicolas de Leyde pourrait
être l'auteur du groupe sculpté.
Lorsque je faisais des recherches sur les représentation de
Sainte Catherine d'Alexandrie au XVe j'avais déjà croisé Pierre
Hemmel d'Andlau.
J'ignorais qu'il avait fait partie de l'Echasse.
C'est avec le plus grand plaisir que j'ai retrouvé un lien qui permet
d'admirer un sujet moins pathétique que les précédents :
Bonjour Fabrice, François, Lionel
C'est avec le plus vif intérêt que j'ai suivi
vos soucis de datation. Il semble même qu'un compromis ait été trouvé ce
qui prouve qu'il est possible de s'entendre entre XVemistes et
supporters. Pour ma part, j'évite de me livrer à ce genre d'exercice
depuis les première neiges de cet hiver. En improvisant un détour par
la collégiale de Romont, j'étais passé dédaigneusement à côté de
vitraux de l'époque savoyarde. Pire. J'avais même objecté à
mon épouse qu'il puisse s'agir d'originaux du XVe. C'est en prenant le
chemin de la sortie que j'étais tombé sur une carte postale que l'on peut
acquérir en glissant une modique somme dans le tronc prévu à cet effet.
Elle représentait un vitrail. Je la retournai et lu avec émotion la
mention du XVe siècle. Ils furent offerts, dit-on, par la duchesse
Yolande elle-même et exécutés par Drapeir Agnus en 1459. Cet artiste est
peut-être originaire du Haut-Rhin.
Demi-tour gauche, pas de charge de piquier
suisse jusqu'à l'objet convoité qui ne m'avait pas interpellé.
Les siècles ont éteint la plupart des
sels colorants mais le dessin noir subsiste. Définitivement intégré dans
le verre translucide il n'y a plus qu'à le lire.
Le visage de la vierge ressemble à s'y méprendre
à celui de Ste Catherine dans le vitrail de Pierre Hemmel. De 3/4 légèrement
incliné vers sa gauche elle baisse pudiquement les yeux vers les lys disposés
dans un vase médiéval. A moins qu'elle ne prête l'oreille à Gabriel qui
lit sentencieusement ses phylactères assis dans le vitrail voisin. Un
haut dossier forme comme un drap d'honneur destiné à l'isoler de son
environnement. Perchées de part et d'autre dans le vide deux statuettes
veillent comme des témoins pour soutenir encore la comparaison avec le
vitrail de Ste Catherine.
Lionel,
Je ne pense pas être le roi du lien. S'il en était
ainsi, Google serait mon plus fidèle conseiller.
Les probabilités que le Maître de la passion
de Karlsruhe et Hans Hirtz (1400-1463), ne forment qu'une seule et même
personne sont grandes. Certains datent même cette oeuvre de 1440.
J'ai simplement voulu rendre attentif que
l'auteur n'a pas été formellement identifié.
Peut-être s'en moquait-il ? Les peintres de
cette époque devaient se sentir immortels. Ils avaient le pouvoir de
semer le doute dans leurs créations, les peupler de symboles et de secrets.
Ils détenaient la clé de toutes les légendes. Anamorphoses et mystères
hantent les tableaux de Bellini mais il n'était pas le seul à s'en
complaire.
Le Maître de la passion avait sa subtilité. Le
point de fuite, s'il en est un, se devine au pied de l'échelle qui par
extrapolation mène au supplice. Plus loin, un enfant grimpe à l'arbre
(originel ?) mais vers quoi se dirige son regard si ce n'est encore le
pied de l'échelle ?
Comme toi, j'ai eu la fugitive impression que
les personnages étaient caricaturaux, surtout dans le "dévêtement"
du Christ. Ce tableau préfigure Jérôme Bosch (1450-1516). Ce dernier, début
16e, transcendera les lois, sublimisera ce portement de croix.
Pas d'auréole pour désigner Ste Véronique. Le suaire
qu'elle déploie est presque superflu, son attitude tranche avec la foule
grotesque et démoniaque.
Un plan très serré. Un chapeau bizarre comme
un arc-en-ciel dans lequel on peut presque distinguer un oeil. Je cogite un
peu et découvre que tout est accompli, le visage imprimé dans le suaire en
témoigne. Voilà la raison de cette anomalie. Bosch a peut-être
voulu que l'observateur se transpose en enfer. Le décor est noir. Le
christ doit apparaître comme dans un cauchemar. L'oeuvre invite
au repentir.
François,
Je n'ai pas du tout l'impression d'être versé
dans l'art germanique. Des pictogrammes de Lascaux aux mythogrammes de
Bosh, en passant par l'Egypte ou Byzance. Qu'il soit véhiculé par la
miniature ou niché dans la pierre sculptée de nos cathédrales,
j'éprouve de l'intérêt pour le langage imagé quel qu'il
soit. J'aimerais connaître les signes chargés de transmettre le
message et me retrouve trop souvent idiot.
Tout semble, en effet, opposer Italie et
Flandres mais ce n'est bien sûr qu'apparences. Beaucoup de peintres
voyageaient, s'influençaient. Uccello dans l'oeuvre citée à immortalisé
une escarmouche, gagne-pain des condotierri. Les grands panneaux sont peints
à l'oeuf et servent de propagande. Un hommage à Tolentino qui n'est pas équipé
de façon réaliste pour le combat. Beaucoup de lances, d'armures. Les
visages découverts sont rares et me font un peu penser à Renoir. A
contrario, rares sont les sujets flamands conservés qui ne soient pas
religieux.
C'est amusant que tu fasses allusion à Ucello
et ses visages.
Généralement un portrait d'inconnu me laisse
indifférent. Mais le petit panneau, exposé en pleine lumière, au
milieu de l'entrée de la salle du musée de Chambéry m'a adressé un clin
d'oeil vibrant lorsque je le vis. Etonnant pour un profil me diras-tu ? Sous
le vernis, au travers de l'huile la vie semblait encore transparaître. Seul
du sang pouvait assurer une pigmentation de peau aussi réelle.
Les traits nobles étaient légèrement marqués et précis à la façon
de Botticelli. Le contraste avec la matière textile était flagrant.
C'était une question de présentation, de
restauration hyper soignée. Une inégalité de traitement réservée aux
reliques du moyen âge.
Ce portrait : http://gallery.euroweb.hu/art/u/uccello/6various/4portr_m.jpg
tel qu'il ressort sur écran est plat, terne. On devine à peine la mélancolie
du regard. La peau et le couvre-chef ont une tonalité presque égale. Les
traits paraissent exagérés. Pour un peu le jugerait-on à peine
digne d'être suspendu dans un obscur couloir. Un peintre, deux manières de
travailler les visages. Oeuf / huile. Grande taille / petite taille.
Manière italienne, manière flamande. Passé le
Gothard puis Constance, le Rhin les lie.
Philippe Lorentz distingue l'école
strasbourgeoise par une association de rose framboise et de vert pomme;
des visages ronds, un peu enfantin, de petites bouches.
Je veux bien admettre que leur précarité obligeait
les peintres à se fournir en pigments au monoprix du quartier mais le
dessin...
Libéré de la tutelle du maître, l'ex-apprenti
ne pouvait-il vraiment pas libérer ses pulsions et peindre des lèvres
pulpeuses, des femmes plus mûres ?
Loin de Strasbourg, que dire des fils d'orfèvres
qui firent de la gravure avant de se lancer en peinture ? Schongauer ne
s'est-il jamais trahi. Bien plus tard, Renoir éprouvera la même peine à
dissimuler la façon méticuleuse du peintre sur porcelaine sous des touches
impressionnistes.
Certains tableaux ne ressemblent-ils pas à des
agrandissements de miniatures ? Déformation professionnelle encore ?
On peut cependant distinguer une école,
s'amuser de voir certains élèves dépasser le maître. Percevoir les
influences ou les inspirations.
Il m'arrive d'imaginer le commanditaire d'une
oeuvre exigeant du peintre : "J'ai vu ceci chez untel. Je veux pareil,
si ce n'est mieux".
Terminé les icônes et le risque de violer les
canons. Le peintre est libre. La concurrence joue. Les progrès techniques
sont à son avantage. Certains commanditaires baignent dans l'opulence. Le
monde ne va pas tarder à lui sourire encore. Fouquet est en train de
peindre une vierge de charme. La blancheur du lys se transmet à la
carnation. Il emprunte à Rome et aux flamands.
Il n'en va pas de même pour tous. Loin des
grands courants la Haute Provence, par exemple, conserve dans ses
chapelles de montagne quelques trésors d'un style primitif qui a peu
évolué. Peintres solitaires et itinérants ? C'est encore un autre sujet
puisqu'il s'agit de fresques.
Pas facile de les dater sans se fier aux
experts.
La technologie contemporaine rend la datation
fine possible. L'identification du peintre est moins aisée même lorsque
l'oeuvre est signée. Des restaurateurs peu scrupuleux se sont parfois
permis d'y apposer la leur.
Tu as cité Roger de la Pasture alias Van der
Weyden. Le lien ci-après traite l'analyse d'un visage et les difficultés
d'attribuer une oeuvre malgré analyse du dessin sous-jacent. Sorte
d'analyse graphologique ?
Fabrice,
Il est bon que le passé ressurgisse de temps en
temps ne serait-ce que pour retenir toute fuite en avant.
J'espère sincèrement que tu nous fera partager
des moments d'histoire inédite. Des oeuvres insolites.
Mais surtout XVemistes :0). Promis ?
Cordialement
Francis