PUBLICATION DU CENTRE EUROPENE D'ETUDES BURGONDO-MEDIANES
N° 13-1971
Rencontres de Bonn 21 au 23 avril 1971
CHARLES LE TÉMÉRAIRE ET LA CAMPAGNE DE NEUSS 1474-1475 OU LE DESTIN
EN MARCHE
par le Colonel e.r. Charles Brusten
Robert de Bavière, archevêque de Cologne depuis le 30 mars 1463, grâce sans
doute à l'appui de Philippe le Bon, son parent, est démis de ses fonctions sous prétexte
qu'il accablait sans aucun droit, ses sujets d'impôts. C'est avec l'approbation de
l'empereur Frédéric que le chapitre, la ville de Cologne et 13 autres villes nommèrent
Herman de Hesse, administrateur du siège épiscopal, le 31 mars 1473. Robert refuse
d'accepter l'intervention impériale, rejette la tutelle qu'on veut lui imposer et en appelle à
Charles le Téméraire, le 4 août 1473, au camp de Zutphen.
Le 5 Juin 1473, la ville de Cologne craignant l'intervention de Charles avait déjà signé
avec le chapitre un traité de cent ans. « Le chapitre était soutenu par l'empereur, tous
les princes, les communes et les paysans, sauf le comte palatin Frédéric de Bavière,
frère de l'archevêque qui montra petit semblant d'aider son frère.» (OM 98)
Le comte de Juliers avait aussi pris le parti de Charles tandis que. les archevêques
de Mayence et de Trèves soutenaient Herman. Le 25 novembre 1473, l'empereur venu
à Cologne après avoir quitté Trèves, invite le landgrave de Hesse à protéger Cologne.
Le Il décembre 1473, par une ordonnance, déposée jadis au dépôt de Cologne,
Charles approuve Robert et le prend sous sa protection. (Toutey 66/1) Pour Pirenne,
cette nouvelle demande de Robert aurait été agréée suite à l'affront reçu par Charles à
Trèves. (Pirenne 1/421)
En mars 1474, un double traité est signé entre Charles et Robert. Le duc s'engage à
soumettre le chapitre, la noblesse et les villes insurgées moyennant 200.000 florins.
L'archevêque lui accorde de mettre une garnison dans toutes les places de guerre y
compris Cologne.
Le 11 mai 1474 Charles envoie des messagers à Neuss et à Cologne pour les
sommer de se rendre. L'échec de ces sommations rendit la guerre inévitable. (Textes et
commentaires, Frédérix 70)
Le 21 juillet 1474, l'armée bourguignonne quitte Maastricht; elle arrive devant Neuss
le 30, soit dix jours pour parcourir une distance actuelle de quelque 90 kilomètres.
Le moment d'entrer en campagne est-il bien choisi?
Avec Edouard IV, Charles est en relation depuis 1472, en vue du partage de la France
consécutive à une expédition commune. Cette expédition est postposée suite
probablement à l'intervention de Charles en Gueldre et de son action à Trèves vis-à-vis
de l'empereur Frédéric. Mais le 22 avril 1474, les articles d'un traité sont arrêtés et le
traité lui-même est scellé à Londres le 25 juillet 1474: « alliance perpétuelle entre les
deux princes », « nouveau traité de Troyes », dit Frédérix, aux termes duquel, Edouard
débarquera en France une armée de 10.000 à
20.000 hommes pour reconquérir la France, pendant que Charles lui
amènera l'an prochain une armée d'au moins 10.000 hommes. Pendant
ce temps, Edouard continuera les préparatifs en vue de la campagne et
Charles en terminera avec son expédition de Cologne. Charles conseillait vivement un
débarquement en Normandie de façon à faciliter le ravitaillement des deux armées mais
surtout pour soutenir et entraîner le duc de Bretagne. Edouard penchait pour Calais.
Louis XI, momentanément rassuré du côté de l'Angleterre s'empresse
de prolonger les trêves existantes, la dernière est signée pour Il mois le
13 juin 1474, à la Croix-Saint-Ouen. C'est, d'après Commines, sur les
sollicitations du roi que Charles signe cette prolongation pour «qu'il
fit à son aise en Allemagne, ce que le duc ne voulait pas faire à cause de
la promesse faite aux Anglais.» «Le roi réfutait les objections que lui faisaient ceux
qui lui reprochaient de laisser le duc si grand, disant qu'il
ne pouvait mieux se venger du duc qu'en lui laissant commencer cette
entreprise de laquelle il ne viendrait jamais à bout.» (c. 283-87)
Si ces trêves sont de l'intérêt de l'Angleterre et de Charles, elles le
sont peut-être plus encore pour Louis XI, non point tant pour le motif
indiqué par Commines, mais surtout parce que le roi ne possède pas sa
liberté d'action. Il doit simultanément surveiller l'Angleterre, la
Bretagne, l'Aragon (qui est actuellement le cimetière de l'armée française), l'Anjou, le
Roussillon; se méfier de certains grands vassaux, tels
le comte de St.-Pol et le duc d'Alençon, certaines villes, telle Bourges.
- Mais si Louis XI ne veut ou ne peut agir personnellement; il va le
faire par personne interposée. La principauté de Liège a disparu de son
échiquier, il va manoeuvrer d'autres pièces: Suisse (Berne en particulier), Autriche,
Alsace, Lorraine et même l'Empire. C'est le moment de rappeler
que l'histoire militaire de Charles-le Téméraire se compose de deux
parties: les campagnes mosanes et les campagnes rhénanes. Les mobiles
de ces campagnes ne doivent pas être recherchés dans l 'histoire locale,
liégeoise ou autre, même pas uniquement dans l'histoire de Bourgogne
mais bien dans l 'histoire de France. Le diptyque bourguignon ne prend
toute sa valeur que dans son cadre français. Pour la campagne qui nous
intéresse actuellement, on ne saurait assez attirer l'attention sur l'omniprésence de
Louis XI.
Dès janvier 1474, Louis prépare un projet de traité avec la Suisse. Le 30 mars, toujours
sous son égide, Sigismond d'Autriche et les
Suisses se réconcilient par l'Ewige Richtung.
Le lendemain, les confédérés signent, toujours sous les auspices du
roi de France, une ligue défensive avec les villes du Haut-Rhin et les
évêques de Strasbourg et de Bâle, soi-disant menacés par Hagenbach,
gouverneur bourguignon dans les territoires alsaciens cédés par Sigismond
en 1469 au traité de St.-Omer.
Le 4 avril, l'alliance est étendue à Sigismond.
Le 6 avril, Sigismond propose le rachat de Ferrette. La lettre parvient
à Charles à Luxembourg le 17 avril. Les arguments sont très spécieux et en
contradiction avec le traité de St.-Omer. Charles y répond le 27 avril. il demande-le
règlement pacifique de ce malheureux différend.
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Entre-temps Hagenbach a été arrêté par les habitants de Brisach et transféré dans
une prison sur les instances des villes de Bâle et de Strasbourg. Sigismond nomme un
nouveau gouverneur, un Autrichien, Herman von Eptingen. Hagenbach sera condamné
et exécuté le 9 mai 1474.
Hagenbach, lors du passage de Charles en Lorraine, avait déjà sollicité son aide.
Charles l'avait renvoyé sans rien lui accorder avec mission de conserver l'Alsace. A
l'annonce de la mort Charles ne réagit que par l'ordre donné au frère du gouverneur,
Etienne de Hagenbach, de harceler et brûler autant que possible le landgraviat;
personnellement il s'engage dans l'affaire de Cologne, par l'envoi des deux sommations
à Cologne et à Neuss.
Entre-temps, la Basse Ligue avait déclaré la guerre au duc, le 26 avril. En Lorraine,
Nicolas de Calabre, mort en juillet 1473, avait pour successeur, René de Vaudémont.
Louis XI s'efforce de le détourner de Charles et lui assurer l'appui de Sigismond et des
Suisses. Le 9 juillet, Louis et René signent le traité de Chartres. Il obligeait Louis à
défendre la Lorraine contre les entreprises du duc.
Quant à l'empereur, qui avait quitté subrepticement Trèves, le 25 novembre 1473,
probablement sur les conseils des électeurs, pour ne pas s'engager vis-à-vis de Charles
et de ses prétentions, Louis tente aussi de prendre avec lui certains arrangements, mais
préfère toutefois signer des trêves avec Charles plutôt que de rechercher une alliance
véritable. L'empereur de son côté, manifestera toujours une certaine mollesse vis-à-vis
de Charles, car il ne peut perdre de vue pour son fils Maximilien, Marie de Bourgogne.
En résumé, Charles est attaqué par les Alsaciens, menacé par les Lorrains et les
Suisses et engagé dans l'aventure anglaise. Pirenne écrit à ce sujet: « Sur le point de
commencer une guerre (celle de Cologne), il s'en met une seconde sur les bras
(campagne de France), considérant déjà comme vaincu, un ennemi qu'il n'a pas
encore abordé.»
On peut donc dire que le moment était très mal choisi.
Néanmoins, pour que Charles persiste dans ses projets et néglige, en particulier de
venger Hagenbach et l'injure qui lui avait été faite, il lui fallait d'impérieuses raisons.
La première, et peut-être la moindre, est le respect de la parole donnée à Robert de
Bavière, tout comme pendant la période précédente, où Charles fut fidèle aux ducs de
Normandie et de Bretagne et plus récemment au vieux duc de Gueldre. « Il se rend vers
Cologne pour aider l'archevêque Robert de Bavière. En lutte avec son chapitre, il avait
appelé le duc de Bourgogne.» (de Haynin) Charles dira plus tard au légat qu'il intervient
comme prince allemand et chrétien en faveur d'un prélat investi par le pape. Mais à cet
esprit que nous avons appelé « chevalier du moyen âge, attardé dans une époque qui
n'est plus la sienne », n'y a-t-il pas des supports plus matériels?
Ne veut-il pas se venger de l'affront de Trèves, en attaquant une ville
soutenue par l'empereur et les électeurs? C'est possible.
Veut-il conquérir toute la région rhénane de l'embouchure du fleuve à sa SOUTce?
Cela a été dit. Il possède déjà la Gueldre et les terres d'Alsace. Mais n'est-ce pas une
légende lancée par Commines?
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y eut-il des raisons économiques? Certains le prétendent sans
apporter beaucoup de preuves. y a-t-il une relation entre Bruges,
Cologne et la ligue hanséatique? II faudrait, comme le dit Yves Cazaux,
étudier les archives de la Hanse pour élucider ce point. Certaines allusions
semblent confirmer cette thèse économique. Des cités comme Hambourg
et Lubbeck, écrit Chomel, se mirent en mesure de soutenir un siège, tant
était grande la terreur que les armées de Charles inspiraient. L'évêque de
Munster manifestait aussi quelque inquiétude. Quant à de Haynin il dira
de Neuss: «gouffre à larrons, refuge de ceux qui voulaient faire la guerre.
Ceux des environs désiraient la voir soumise et réduite, car nul ne pouvait
passer sans payer.»
Remarquons aussi que pour Charles, Cologne, comme la Gueldre,
comme Liège, fait partie de l'héritage paternel. Ne peut-on aussi voir au
delà la politique de Jean 1er de Brabant le vainqueur de Worringen? Le
professeur Jongkhees fait remarquer que Wierstrait dans ses Chroniques
(1564) appellent encore les Bourguignons des Brabançons.
Une autre question se pose aussi: pourquoi attaquer Neuss et non Cologne, Neuss
que les chroniqueurs et les historiens reconnaissent
comme une ville très forte? «Orgueil de l'Allemagne, forte à merveille
qui se confiait en sa force plus que tout autre. . . jamais prise. . . toute
enclose et environnée.» (Molinet) II est très probable que les gens de
Neuss auraient trop facilement harcelé le siège de Cologne et surtout
empêché son ravitaillement par eau, celui-ci venant par le Rhin de
Hollande et de Gueldre. Neuss devait donc tomber d'abord.
Neuss était effectivement une ville très forte. Elle était allongée le long
d'un bras secondaire du Rhin et séparée du grand Rhin par deux îles. Elle était
entourée de remparts que des fossés alimentés par un bras de l'Erft protégeaient de
trois côtés, le quatrième étant protégé par le Rhin.
Six grosses portes fortifiées complétaient la défense, les cinq du côté de la
terre étaient protégées par des bastions.
Les quartiers du siège étaient répartis par nations devant la ville.
Ordonnance, fieffés, gens des communes étaient rassemblés, il y avait
même un contingent de Liégeois envoyés par leur évêque. Pour fermer
le siège, Charles dut occuper les îles. Pour assurer son dispositif, Charles
imagina de détourner l'Erft, de construire des ponts pour relier les îles
à la terre ferme et de construire des digues pour isoler le bras du Rhin et
empêcher l'arrivée des secours par eau. Mais les réactions des assiégés et
des détachements de secours ainsi que le mauvais temps et, faut-il le dire,
le manque de vigilance de certaines troupes rendirent inutiles la plupart
de ces travaux, si bien que le siège était plus ou moins perméable.
Les procédés normaux d'attaque furent évidemment employés:
attaques, assauts, bombardements, mines. Deux engins qui rappelaient
ce x des Romains furent aussi fabriqués: une grue qui s'enlisa et un
chat dont les roues se brisèrent.
Les Neussiens renforcés dès le début par des Hessois se défendaient
courageusement et rendaient coup pour coup. Des renforts de Cologne étaient venus
s'installer sur la rive droite du Rhin. Plus tard arrivèrent
des renforts de l'empereur en attendant que celui-ci vint en personne a la
tête de l'armée des Allemagnes.
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Le comte de Chimay résume très bien ce siège dans une lettre qu'il adresse à un de
ces amis. « Plus drus volent les ploumes de haquebuttes et de couleuvrines que de
flèches dans une bataille anglaise; pensez que nos pavillons glacés et chargés de neige
sont des étuves d'Allemagne et que les plumes de nos lits sont des duvets de Hollande,
que les pavés de nos rues où nous sommes enfoncés jusqu'au genoux est la marché de
Valeciennes . .. Nous avons un duc volant et mouvant plus qu'une aronde, un moment il
est au quartier des Italiens, un instant après à celui des Anglais. II va aux Hollandais,
aux Hennuyers, aux Picards. II commande à ceux des ordonnances et ordonne aux
fieffés et je vous assure qu'il ne laisse pas en oisiveté ceux de son hôtel ni de sa garde.
II est toujours sur bout, jamais il ne se repose et se trouve en tous lieux. Un jour, il perce
la terre par mines et tranchées; un autre jour il assermonte par pilotis et digues; il mue
les cours d'eau et met à sec une rivière de plus de 800 pieds de large et de si impétueux
courant que le bateau ne lui peut surmonter et profond de plus d'une pique de lance. II a
détourné une rivière où jamais il n'y avait eu trace du plus petit ruisseau et qui est
présentement si profond et si large qu'elle est sans rive ni gué et que de l'avis des
hommes eUe semble avoir été navigable de tous temps. . .» (Dans J. de Haynin lI.182)
Par ces derniers travaux, l'auteur fait allusion au raccordement de l'Erft barré avec le
cours principal du Rhin.
Les chroniqueurs s'étendent aussi sur la magnificence du siège, à tel point que l'on
peut se demander si Charles n'est pas venu là pour éblouir les Allemagnes, comme il
avait voulu le faire à Trèves, procédé qui lui a très mal réussi. Molinet est, bien entendu,
le plus prolixe: «Chose admirable et la plus somptueuse. Les quartiers, les métiers, les
tranchées, les logis étaient bien installés, proportionnés aux besoins, facilités et
protection des assaillants. Le camp était fermé par un ensemble de pont-levis et de
tranchées. Le bourg plaisant était du côté de Cologne derrière le quartier du duc. II était
coupé de rues et de ruelles dessinées géométriquement. II y avait un si grand et ample
marché où arrivaient à foison vivres et marchandises. Un apothicaire y amena un jour,
cinq chariots chargés de denrées et y dressa sa boutique aussi bien achalandée qu'à
Bruges ou Gand. Là il y avait tous les ouvriers méchaniques: grossiers, drapiers,
poisonniers, épiciers, parmentiers, chaussetiers, cordonniers, chapeliers, barbiers,
charpentiers, couteliers, pyronniers, cuveliers, vivandiers, manœuvriers, candreliers,
chataviers et là on pouvait acquérir tout ce qui était nécessaire au corps humain aussi
abondamment que dans n'importe quelle ville du pays. C'est là que se tenait le prévôt
des maréchaux chargé de la discipline. II y avait aussi un marché au camp des Italiens.
Chacun des marchés avait sa boucherie, son marché particulier de beurre et d'avoine.
Les logis étaient riches et plaisants. Chacun selon son goût avait fait faire une habitation
au milieu des tentes et des pavillons dont le duc avait bien amené 900 à ses frais. TI y
en avait de toute espèce comme pour durer à perpétuité, certaines étaient comme des
donjons avec galeries et prairies, les autres à caractère plus défensif avec pont-levis et
fossés tout autour. TI y avait des fours, des moulins à eau, à vent et à bras, jeux de
paumes, bourloires et
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berceaux, un gibet. il y avait forges, tavernes, cabarets, bains, hotelleries et brasseries.
Les sacrements étaient administrés: baptêmes, mariages et enterrements. Sons
mélodieux, tubes, tambours, trompes, clairons, Butes, musettes, chantemeles sonnaient
dans l'air et effaçaient toute mélancolie. Parfois au quartier du duc, cela semblait un
paradis terrestre et chose plus divine qu'humaine.» (Résumé)
Pas pour tout le monde cependant, car on peut aussi lire: « les petits compagnons
travaillés de longues veilles mal payés, assaillis de bise, dépourvus de vivres, d'habits et
d'argent allaient 5 ou 6 fois par jour dans la forêt voisine chercher des fagots qu'ils
revendaient pour subvenir à leur besoin et à leur subsistance.» Ou encore: «plusieurs
par trop d'ardent jouent au brelan et jeux, et autre jour par défaut n'a pas à dîner. »
(Mol.)
« Le duc la trouva plus dure qu'il ne croyait.» (C 269)
Pendant les 10 mois que Charles avait déjà passés devant Neuss, la
situation s'était dangereusement aggravée?
Les Suisses avaient pris Héricourt le 13 novembre 1474, puis à deux
reprises Pontarlier. ils étaient entrés finalement dans le Comté de Vaud.
Les Français à l'issue des trêves que Charles n'avait pas voulu renouveler étant
donné l'attitude du roi de France entrent en Artois et en Bourgogne le 1er mai 1475. Ils
ont raffermi leur situation à l'intérieur.
Les Lorrains déclarent la guerre le 9 mai et reprennent toutes les
garnisons occupées par les Bourguignons.
L'empereur d'Allemagne, enfin décidé par la victoire d' Héricourt et la promesse de
Louis XI au traité d'Andernach (31 décembre 1474)
de lui envoyer une armée de 30.000 hommes bientôt ramenée à 20.000 finalement, il
n'enverra rien-mobilise toute l'Allemagne et à la tête de son armée remonte, le Rhin et
vient s'installer en avril au camp de Zons,
assez rapproché de Neuss.
Devant cette coalition, peu homogène il est vrai, Charles se berce d'illusions. Dans
une de ses réponses au connétable de St.-Pol envoyé du roi de France, il énumère ses
Alliés: Angleterre, Bretagne, Aragon, Castille, Savoie, Milan, Lorraine, Hongrie, Naples,
Venise, en un mot, rien, si ce n'est les Anglais. Mais ces derniers, débarqués en juin à
Calais s'impatientent parce que Charles, au lieu de se joindre à eux, conformément au
traité de Londres, s'entêtait devant Neuss. ns lui envoient plusieurs ambassades.
Charles objectait qu'il eût été contraire à son honneur et à sa réputation de lever le
siège. Finalement Charles accepte de lever le siège dans un temps déterminé, que la
ville fût prise ou non; les Anglais ayant insisté sur le fait qu'après avoir tenu tête à
l'empereur, pendant plusieurs mois sans subir d'échecs, il pouvait sans déshonneur
opérer sa retraite et porter ses armées ailleurs.
Entre-temps, l'empereur avait porté son camp plus près de Neuss au sud de l'Erft.
Charles décide de tenter un ultime effort le 22 mai 1475; il attaque le camp et une partie
des troupes qui en étaient sorties. Il conserve l'avantage. Le lendemain les troupes se
remettent en bataille quand intervint avec succès; le légat du pape, évêque de Forli,
arrivé vers le 15 mai.
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Entre Charles pressé d'en finir et l'empereur peu disposé à se battre l'accord est
facile. Charles accepte la fin des hostilités à condition de sauver la face; vis-à-vis de lui-
même, la bataille de l'Erft lui permettait de prétendre qu'il avait battu les Allemands et
l'empereur; vis-à-vis de Ruprecht, la querel1e serait arbitrée par le pape et en attendant
il garderait une partie de ses domaines et de ses revenus; vis-à-vis du roi de France, il
le détachait de l'empereur.
Un armistice fut signé le 28 mai 1475 et transformé en convention le 12juin. Le traité
définitif fut signé au camp de Nancy le 17 novembre 1475 et ratifié à Besançon le 31
janvier 1476.
Ainsi Neuss, dans son épilogue, matérialise le destin de Charles, car ce dernier après
avoir quitté le siège le 27 juin. enverra ses troupes en Lorraine et de là en Suisse.
Ce destin aurait probablement pu être conjuré si Charles avait rejoint Edouard IV
avec son armée comme il l'avait convenu. Edouard furieux de le voir arriver seul se
laisse circonvenir par Louis XI avec qui il signe le traité de Picquigny, le 29 août 1475.
Le 15 septembre, Louis signera avec Charles le traité de Soleuvre acceptant une
nouvelle trève de 9 ans.
Par cet étrange traité de NANCY, où sont si souvent répétés les mots de paix, amitié,
d'intérêt général, le légat cherche la guerre contre les Turcs. Charles la guerre contre
les Suisses, l'empereur l'agrandissement de sa maison. Tout comme Louis XI à
Soleuvre, l'empereur a l'air de se réconcilier avec le Téméraire. Ille lançait dans une
expédition nouvelle qui devait le mettre à sa merci. Soleuvre et Nancy étaient des
tr.aités malhonnêtes, combinés de part et d'autre avec des arrière-pensées qui
cachaient des pièges où l'un au moins des contractants se fit prendre (Toutey 285).
Avec PICQUIGNY, cela constitue une singulière trilogie.
Documentation succincte
Chronique de Jean Molinet, éd. Doutrepont et Jodogne. (Mol)
Chronique de Commines, éd. de Mandrot. (C)
Chroniques de Olivier de la Marche, éd. Beaune et d'Arbaumont (OM)
Chroniques de Jean de Haynin, éd. D. D. Brouwers.
Les dépêches des ambassadeurs milanais, Gingins de la Sarraz.
Les ducs de Bourgogne, de Barante.
Histoire de Belgique, Pirenne.
Charles le Téméraire, Bartier.
Histoire de Nancy, Pfister.
Charles le Téméraire et la ligue de Constance, Toutey.
La mort de Charles le Téméraire, Frédérix.
Neuss, Festschrift für die Jubiliien des Jahres 1950.
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