MUSEE
D’HISTOIRE DE BERNE
LE BUTIN DES GUERRES DE BOURGOGNE ET ŒUVRES D’ART DE LA COUR DE BOURGOGNE
MAI-SEPTEMBRE 1969
Vers le milieu du 15e siècle, la Confédération des huit cantons avait traversé une des plus graves crises de sa formation politique: l'Ancienne guerre de Zurich. Dans ce différend, Zurich qui cherchait à affirmer sa propre politique extérieure et d'expansion en rivalisant avec ses Confédérés, avait dû subordonner sa poursuite de la puissance et de l'extension à l'intérêt général et aux égards dus ,aux cantons voisins. Dans sa lutte pour l'indépendance, Zurich s'était alliée à l'ancien ennemi héréditaire des Confédérés, les Habsbourg, représentés par le roi, plus tard empereur du Saint Empire romain, Frédéric III. Il est compréhensible que celui-ci ait cherché à utiliser cette occasion de détruire si possible la Confédération et de récupérer les anciennes possessions des Habsbourg. Comme Frédéric III a ne disposait pas lui-même d'une force militaire très importante, il tenta de mettre en mouvement n d'autres puissances contre les Confédérés. Il par- u vint à persuader le roi de France Charles VII à envoyer une assez grande armée de mercenaires inoccupés, les Armagnacs, commandés par le Dauphin, le futur roi Louis XI, pour soutenir l'Empereur et Zurich contre les Confédérés. Il est bien connu qu'en 1444 le choc d'une colonne mobile des Confédérés avec cette armée des Armagnacs, à Saint-Jacques sur la Birse, aboutit à l'anéantissement total de l'avant-garde confédéré; mais leur fureur dans le combat fit une telle impression sur le vainqueur qu'il évita de s'avancer davantage et de rencontrer les forces principales des cantons confédérés et dans la suite il chercha toujours à utiliser la puissance guerrière des Confédérés dans l'intérêt de la France. L'Ancienne guerre de Zurich avait ainsi entraîné de lourdes pertes, en particulier en dévastant le territoire zurichois, mais d'autre part elle avait fortifié l'idée confédérale et simultanément beaucoup agrandi l'autorité des Confédérés en Europe.
Les huit anciens cantons - Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwalden nid und ob dem Kernwald, Glaris et Zoug - situés au centre d'une Europe instable, contrôlant avec leurs alliés les importantes voies de communication principales du continent, n'avaient pas encore une ligne politique conséquente et uniforme à l'égard de leurs voisins. Les relations économiques et sociales et les intérêts fixés par leur situation géographique étaient trop divers. Les cantons les plus importants représentaient de ce fait des tendances politiques visant à des alliances et des expansions territoriales qui s'excluaient en partie ou tout au moins se nuisaient. Zurich tenait à entretenir de bonnes relations avec l'Empire, notamment avec les villes avec lesquelles elle faisait du commerce. Berne regardait à l'ouest, où elle avait créé une Confédération bourguignonne
propre avec entre autres, Soleure, Fribourg, Bienne, le comté de Neuchâtel, et où se trouvaient ses possibilités d'expansion si elle s'entendait à utiliser habilement le déclin de la noblesse locale et de la puissance temporelle des seigneurs territoriaux ecclésiastiques. Mais alors est apparu le danger pouvant résulter d'un choc avec un adversaire plus puissant qui cherchait de son côté à édifier un état territorial aux dépens du monde féodal croûlant: la Savoie dont le souverain avait récemment été élevé au rang de duc. En 1452, Fribourg avait dû se soumettre au Duc. Uri et les autres cantons de la Suisse primitive, notamment aussi Lucerne en sa qualité d'importante plaque tournante sur la route du Saint Gothard, attachaient la plus grande importance à prendre bien en mains ce passage alpin central vers le sud. Après une avance qui les avait conduits jusqu'à Bellinzone, ils avaient pourtant été obligés pal le duc de Milan à battre en retraite et Uri avait dû se contenter de la seigneurie sur la Léventine. Berne et Soleure avaient déjà conclu une alliance avec Bâle, la ville épiscopale et commerçante à la courbure du Rhin et, en 1466, avec Mulhouse, s'intéressant ainsi aux événements de la plaine en contrebas du Haut-Rhin (Sundgau, Alsace, Brisgau) caractérisés par les menaces exercées sur les villes par la noblesse et vice-versa. Les alliés des Confédérés, qui ne leur étaient pas liés par des pactes perpétuels et qui possédaient de ce fait moins de droits, apportaient avec leurs problèmes aux huit anciens cantons des espérances positives et négatives, des possibilités d'expansion et de consolidation ainsi que des dangers de discorde avec les puissances environnantes (les Grisons avec le Tyrol, Venise et la Lombardie, le Valais avec la Savoie, Bâle et Mulhouse avec la noblesse du Sundgau et d'Alsace c'est-à-dire de nouveau avec les Habsbourg).
Depuis la fin du 14e siècle, on assistait à la formation d'un ensemble dynastique composé des parties les plus hétéroclites par des mariages, héritages, achats, investitures, gages, conquêtes, sous l'hégémonie d'une ligne collatérale de la Maison royale de France qui avait conservé comme dot le duché de Bourgogne. Cette entité s'étendait entre la France qui avait relativement vite retrouvé sa force après la guerre de Cent Ans et l'Empire allemand qui souffrait de sa dislocation et de la faiblesse de son sommet monarchique. Le but était certainement de former un ensemble de puissances, rappelant l'empire médian de Lothaire, s'étendant de la mer du Nord à l'Italie. De là, aussi bien la France que l'Empire auraient plus tard pu être dominés, voire même conquis. C'est ainsi que sinon déjà Philippe le Bon, du moins son fils Charles le Téméraire projetait de s'élever du rang de ({ Grand Duc de l'Occident" à celui de roi et même d'empereur.
Si quelqu'un s'est rapidement aperçu du danger dont il est menacé, c'était certes Louis XI qui avait succédé à son père sur le trône de France en 1461. Ce monarque dépourvu de tout scrupule tenta par tous les moyens de remettre à sa place le vassal qui menaçait de le supplanter. L'empereur Frédéric III,
très différent de nature, plutôt passif mais tenace et utilisant sa situation de chef supérieur de l'Empire au profit de sa dynastie sans aucune vergogne, envisageait de gagner aux Habsbourg, grâce à une alliance nuptiale de son fils Maximilien avec l'héritière de Charles le Téméraire qui n'avait pas de descendant mâle, cette nouvelle puissance qui disposait largement des abondants produits matériels des villes néerlandaises.
La Savoie subissait depuis un certain temps une crise de la dynastie du fait que le duc Louis avait de nouveau affaibli l'héritage affermi par une mauvaise gérance, que lui avait légué son père, de sorte, que le roi de France Louis XI était tenté d'étendre sa souveraineté à ce territoire amoindri par des discordes et par l'incapacité de diriger, d'autant plus qu'il y trouverait aussi la clé de l'Italie où il pensait aussi à s'immiscer. La Savoie était "gouvernée" par Amédée IX, qui était malade, et surtout par son épouse Yolande, sœur de Louis XI, qui toutefois ne représentait nullement les intérêts de la France mais qui prenait avec énergie et intelligence ceux du pays où son mariage l'avait conduite. Cependant les frères et beaux-frères jouaient aussi, à côté du couple ducal, un rôle important dans la politique de la Savoie, spécialement Jacques de Romont qui disposait d'un nombre respectable de seigneuries - châtellenies - dans le pays de Vaud en même temps que des fiefs flamands dus à son amitié de jeunesse avec le duc de Bourgogne.
En présence des menaces exercées par la royauté française sur les puissances féodales, celles-ci formèrent une alliance qui devait éviter que le pouvoir de l'Etat, toujours plus rigide, passât au Roi. Le membre le plus puissant de la "Ligue du bien public", qui était dirigée contre Louis XI, était la Bourgogne. Les quatre villes de Zurich, Berne, Soleure et Fribourg étaient très bien disposées à l'égard du parti de la ligue parce qu'elles préféraient de beaucoup avoir pour voisin un duché de Savoie indépendant mais faible et neutre plutôt qu'une province d'un état français croissant. De sorte que ces quatre villes conclurent en 1467, sous l'impulsion de Berne, un traité d'amitié et de neutralité avec la Bourgogne (voir N° du cat. 1). Le duc Philippe le Bon et son fils Charles le Téméraire, qui allait reprendre le gouvernement peu après la mort de son père, étaient considérés alors par les Confédérés comme inoffensifs et dignes de contracter alliance bien qu'ils eussent dans la Suisse occidentale beaucoup de vassaux qui - à côté de Jacques de Romont - possédaient encore des fiefs en Franche-Comté ou en Bourgogne ou qui revêtaient des fonctions à la cour ducale; ces dignités toujours plus nombreuses, lors de l'achèvement du cérémonial de Bourgogne, du fait du goût de faste des Bourguignons semblaient exerceru n ascendant et un attrait.
Les relations assez amicales entre la Bourgogne et les Confédérés tournèrent toutefois rapidement au pire après que Charles le Téméraire et le duc Sigismond de Tyrol eussent conclu le traité de Saint Omer en 1469. Sigismond qui, malgré son beau surnom de riche en espèces "<der Münzreiche"),
se trouvait la plupart du temps lamentablement dépourvu d'argent et dont les relations avec son cousin l'Empereur étaient parfois tendues, avait dû faire la paix avec les Confédérés en août 1468 après la guerre de Waldshut et s'engager à un dédommagement de guerre de 10000 florins d'or. Il pensait pouvoir obtenir cette somme de l'opulent prince de l'Occident contre la remise de gage précieux. En même temps il espérait que le duc d( Bourgogne le soutiendrait efficacement contre le Confédérés et pourrait peut-être l'aider à récupérer les biens que ceux-ci lui avaient fait perdre. Ce considérations l'amenèrent à remettre en gag( contre une somme de 50 000 florins d'or le comtés d'Alsace et de Pfirt, les quatre villes forestières du Rhin (qui comprenaient le Fricktal) et la Forêt- Noire autrichienne. Mais pour quels motifs I( duc de Bourgogne acceptait-il de prendre en gage de tels morceaux de territoire si éloignés de se pays fondamentaux? Un regard sur la carte peu. nous l'expliquer. Son établissement dans les pays reçus en gage devait d'une part préparer un précieux arrondissement de la Franche-Comté vers l'est et d'autre part resserrer sensiblement l'encerclement du duché de Lorraine dont il s'efforçait dE s'emparer pour établir une liaison territoriale entrE la Bourgogne proprement dite et la Franche Comté d'une part, les Pays- Bas et le Luxembourg; de l'autre. Les Confédérés devinrent ainsi les voisins immédiats de la Bourgogne et voyaient avec consternation un régiment neuf et étranger pénétrer dans les territoires pris en gage. Le représentant en était le bailli Pierre de Hagenbach qui se mi1 à appliquer, sans égards et d'une manière humiliante, en Alsace, dans le Sundgau et dans le Brisgau, les méthodes administratives introduites aU) Pays- Bas. Il se révéla ainsi très hostile aux villes libres et au sentiment de la liberté en général. On apprit que cette attitude était expressémen1 approuvée par le duc auprès duquel on avait protesté. Le prince assez lointain, amical et d'une magnificence légendaire était devenu un voisin menaçant et même hostile.
Si l'on a prétendu que les Confédérés avaient été amenés à déclarer la guerre au duc de Bourgogne parce qu'ils se seraient heurtés non pas à un Habsbourg faible mais au Bourguignon beaucoup plus fort et capable de dompter leurs désirs de conquête, cette explication, qui avait peut-être pour seul bu1 de corriger le vieux cliché des Confédérés intervenus contre Charles le Téméraire pour la défense de la liberté, n'est que partiellement exacte. Les nobles bernois qui fréquentaient les cours de Louis XI et de Charles le Téméraire devaient savoir que l'annexion des territoires pris en gage en Basse Allemagne ne constituaient qu'une étape sur le chemin de l'érection de la souveraineté bourguignonne en Lorraine, en Savoie où l'influence bourguignonne avait remplacé celle de la France et en Italie. Si Charles avait pourtant déjà conclu des alliances avec Venise et Naples et obtenu que le duc de Milan se rattache à lui par simple peur, contrairement à des arrangements pris avec les Confédérés, la Bourgogne - cela apparaissait toujours plus nettement - ne se laisserait pas non plus arrêter par les Suisses. Berne avait à cette époque une situation politique dominante due non seulement à ses intérêts occidentaux, à sa puissance territoriale et à sa situation acquise dans l'Ancienne guerre de Zurich mais aussi à la qualité de ses hommes d'Etat - rappelons seulement le nom de f'avoyer Nicolas de Diesbach - qui s'étaient formé une opinion personnelle sur les situations respectives, en France, en Bourgogne, en Savoie et dans l'Empire et étaient capables d'embrasser du regard des événements complexes.
Sigismond de Tyrol avait aussi été profondément déçu dans ses espérances fondées sur le Traité de Saint-amer. Il s'était représenté la mise en gage de seigneuries précieuses comme une mesure passagère et en aucun cas permanente, et il s'était attendu à une aide bourguignonne beaucoup plus effective contre les Confédérés. Ainsi s'était opérée une étonnante transformation sur la scène politique: l'hostilité séculaire entre les Habsbourg et les Confédérés fut enterrée. En juin 1474, la Paix perpétuelle fut réalisée à Senlis, près de Paris, après de longs pourparlers qui, sans être dus à l'initiative de Louis XI, furent efficacement soutenus par sa
diplomatie (voir N° du cat. 3).
Sigismond reconnaissait l'état des possessions confédérées, celle de la Thurgovie qui lui avait été prise en 1460 y comprise, et les Confédérés promettaient de leur côté de ne plus menacer aucun des territoires soumis à la souveraineté autrichienne. Déjà en mars une alliance défensive contre la Bourgogne avait été conclue entre les Confédérés, les évêques de Bâle et de Strasbourg et les villes de Strasbourg, Sélestat, Colmar et Bâle, à laquelle Sigismond accéda aussi peu après. Elle était nommée la " Basse ligue". Sigismond pouvait maintenant dénoncer l'alliance désavantageuse de Saint Omer. La somme pour libérer les gages lui fut avancée par les villes et déposée à Bâle. Une révolte contre la nouvelle sorte d'administration détestée éclata dans le territoire occupé bourguignon. Le bailli Pierre de Hagenbach, champion de la puissance princière, ennemi des Confédérés et des villes libres, fut fait prisonnier et exécuté au bout d'un mois. Son prince et maître n'avait rien entrepris pour le sauver. Sigismond pouvait reprendre la souveraineté. Comment cela était-il devenu possible malgré la puissance partout redoutée de la Bourgogne?
Charles le Téméraire s'était engagé dans un conflit pour l'évêché de Cologne qu'il aurait voulu faire entrer dans sa sphère d'influence. Il campait devant Neuss avec ses forces principales. C'est là aussi que l'atteignit la déclaration de guerre des Confédérés rédigée par Berne, décidée le 24 octobre 1474 (voir N° du cat. 4). Le Duc passe pour être demeuré un grand moment muet de colère puis n'avoir finalement prononcé que les mots " a Berna, Berna!" Cela révèle qu'il était parfaitement conscient de l'endroit où se trouvait la force motrice de la politique confédérée. Louis XI conclut de son côté une alliance avec les Confédérés (voir N° du cat. 5) par laquelle il s'engageait au versement de sommes importantes et à une
aide militaire directe ou, si cela n'était pas possible, à d'autres paiements élevés. Enfin l'empereur Frédéric III, qui se trouvait en campagne contre Charles à Neuss, avait sommé les Confédéré d'entrer en guerre contre l'ennemi de l'Empire (voir N° du cat. 7).
Après une entreprise des Confédérés couronnée dl succès à Héricourt pendant l'arrière automne dl 1474, après une expédition des Bernois et des Fribourgeois dans le territoire de la Suisse occidentale, au cours de laquelle ils soumirent 16 villes e 43 châteaux, après la conquête par les Haut-Valais sans du Bas-Valais dominé par la Savoie, il fallait que Charles le Téméraire agisse contre le Confédérés s'il ne voulait pas perdre son prestigE européen. Cela lui était facilité par l'armistice conclue par lui avec Louis XI en novembre et la paix signée avec Frédéric III qui tous deux abandonnaient ainsi totalement les Confédérés à leur sort après les avoir excités contre la Bourgogne. Pendant qu'il s'avançait du nord, Charles se précipite encore sur le duché de Lorraine et établit ainsi lé relation territoriale entre le groupe septentrional dE ses pays et celui du sud. Si les Confédérés avaien1 d'abord été vaincus, personne n'aurait probablement pu l'empêcher de reconquérir les territoires dE l'Autriche antérieure, certainement la Savoie e1 vraisemblablement aussi Milan.
Les événements militaires de 1476/77 en on1 décidé autrement. Charles fut victime de sa proprE obstination et de sa trop haute estime aussi bien dE lui-même que de ses qualités de chef militaire. Avec lui disparut l'idée de l'empire médian européen. Le fils de l'empereur Frédéric III, Maximilien, épousa en 1477 l'héritière Marie de Bourgogne, ce qui apporta les Pays-Bas et la Franche-Comté à la maison de Habsbourg, tandis que Louis XI put rendre le duché de Bourgogne à la France. Toutefois cet héritage fut à la base de l'opposition séculaire entre la France et les Habsbourg. Les Confédérés avaient de leur côté acquis le plus haut prestige militaire en Europe qui leur permit de réaliser diverses aspirations territoriales, cette fois non plus aux dépends de l'Autriche, puis de se séparer complètement de l'Empire allemand et même de jouer pendant quelques années le rôle d'une grande puissance.
Cependant les faiblesses internes de leur structure politique et le manque de cohésion de cette confédération d'états, dont les membres possédaient des droit inégaux, empêchèrent que les succès des guerres de Bourgogne pussent être pleinement exploités territorialement et politiquement et que la position acquise dans le système des états européens soit longtemps maintenue. On peut considérer que l'ouverture vers l'ouest de la Confédération, à l'origine purement alémanique, et la préparation de l'union avec des pays romans jusqu'à Genève ont été pour la Suisse les résultats les plus positifs des événements politiques et militaires survenus au cours de ces années.
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LES BATAILLES
DES GUERRES DE BOURGOGNE
Hans Rudolf Kurz
La guerre dans laquelle les armées de Charles le Téméraire de Bourgogne et celles des Confédérés et de leurs alliés s'entrechoquèrent au cours de quatre batailles successives a été précédée, en l'an 1474, par des décisions révolutionnaires, modifiant de fond en comble la politique extérieure de la Confédération et lui imprimant une conduite entièrement nouvelle. A la fin de mars 1474, après des négociations de plusieurs années, la "Paix perpétuelle" fut conclue avec l'Autriche, l'ancien ennemi héréditaire; les conquêtes faites par les Confédérés aux dépens des Habsbourg y étaient reconnues et les deux partenaires promettaient de se porter une aide réciproque. Simultanément, les Confédérés adhérèrent à la "Basse Ligue" formée par les villes du Haut-Rhin: Bâle, Colmar, Strasbourg et Sélestat ainsi que les évêques de Bâle et de Strasbourg. Le 25 octobre 1474, Berne déclara la guerre au duc Charles de Bourgogne au nom des huit cantons ainsi que de Fribourg et Soleure et un jour plus tard, le 26 octobre 1474, un pacte d'entraide fut finalement conclu entre les Confédérés et le roi de France Louis XI.
Héricourt, 13 novembre 1474
Déjà avant que l'alliance avec la France fût confirmée par le roi et que les détails du contrat fussent réglés, les Confédérés, excités par Berne, entrèrent en guerre contre la Bourgogne. Quatre jours après la déclaration de guerre, Berne qui était déjà sous les armes, pénétra dans la Franche-Comté avec 3000 hommes commandés par Scharnachthal et Wabern. Les autres Confédérés et les alliés suivaient. L'arrière-garde se rassembla à Bâle et à Montbéliard; le 5 novembre, l'armée des Confédérés, des Autrichiens et des Alsaciens prit position devant la petite ville d'Héricourt et commença le siège de cette localité bien fortifiée qui appartenait au comte de Neuchâtel-Blamont; la première attaque des alliés était dirigée contre cette place forte qui commandait la route conduisant d'Alsace en Haute- Bourgogne et constituait une menace perpétuelle pour la Haute-Alsace et pour l'évêché de Bâle. Leur armée comptait 18000 hommes dont 8000 Confédérés. La troupe se composait en grande partie de fantassins; la participation de la cavalerie n'était que peu élevée.
Le siège commença immédiatement. Les contingents de Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure, Bienne et Schaffhouse, 4000 hommes au total, campaient sur la rive occidentale de la rivière Lisaine tandis que le gros des forces établissait un camp sur la rive gauche. La fortification exceptionnellement forte d'Héricourt ne pouvait pas simplement être prise par surprise mais elle ne pouvait être vaincue que...
Morat, 22 juin 1476
Charles entra déjà le 14 mars à Lausanne; il y travailla fiévreusement à la formation d'une nouvelle armée pour se mettre
encore en campagne contre les Confédérés. Le 27 mai, son armée se mit en marche et elle parvint, après une halte de
plusieurs jours à Morrens (au sud d'Echallens) le 9 juin devant Morat dont le siège commença les 10 et 11
juin. Le défenseur de la ville, Adrien de Bubenberg, avait de suite après son arrivée à Morat, à la
fin de mars, fait réparer les remparts et les murs, dressé de nouveaux bastions et redoutes et mis en position une puissante artillerie provenant en grande partie du butin de Grandson. La garnison comptait environ 2000 hommes.
L'armée bourguignonne entoura Morat avec quatre corps actifs et un corps de réserve. Le côté du lac restait pourtant ouvert. Le point central de la puissance assiégeante était le Bois-de-Domingue, au sud de la ville, où se trouvait le quartier général de Charles. A l'est, la «haie vive» dressée du côté de l'ennemi assurait une forte défense. Cette
palissade était dressée au bord de la route Burg-Salvenach, le long du fossé du château; elle était garnie de
nombreuses bouches à feu.
Les défenseurs de Morat accueillirent les assiégeants en formation de combat par un violent feu de barrage. En dépit de toutes les pertes et en appliquant tous les arts du siège de ce temps, Charles recommançait chaque jour à attaquer la ville pour
si possible supprimer cet obstacle placé sur le chemin de Berne. Mais la garnison défiait tous les assauts. La personnalité de Bubenberg et son stimulant exemple incitaient les troupes assiégées et la population à une résistance effective, ne se contentant pas d'une attente derrière les murs mais tenant dès le premier jour les assaillants en haleine par une tactique très active grâce à de continuelles sorties. Les portes de la ville demeuraient ouvertes jour et nuit et
des bastions étaient tout de suite dressés derrière les brèches. Le siège continua ainsi pendant des jours durant lesquels les assiégeants travaillaient à se rapprocher toujours plus de la ville, en partie par des souterrains, en subissant de lourdes pertes, sans parvenir à prendre pied dans la ville. Cependant la situation des assiégés empirait sans cesse; ils se maintinrent toutefois avec leurs dernières forces jusqu'à ce que les renforts fussent arrivés.
La formation en bataille des Confédérés et des alliés ne se fit de nouveau qu'à la dernière heure. Bien que Berne eût rappelé le départ déjà le 5 juin et fait son dernier appel à l'aide le 13 juin, les dernières formations confédérées qui purent encore prendre part au combat n'arrivèrent que le 22 juin. L'armée fédérale atteignait avec les alliés environ 25000 hommes comprenant environ 1800 cavaliers. Elle était ainsi supérieure en nombre à l'armée bourguignonne qui
comptait environ 23000 hommes; par contre les Bourguignons étaient supérieurs dans les armes spéciales, l'artillerie et la cavalerie.
Charles ne voulait plus se laisser surprendre par les Confédérés mais marcher contre eux dans une position qu'il aurait lui-même choisie. Il désigna pour cela la plaine élevée située au-dessus de Morat, entre Burg et Salvenach, protégée par la « haie vive» dans laquelle la cavalerie bourguignonne plus nombreuse et la puissante artillerie disposaient de champs de bataille favorables. Il y attendit plusieurs fois, avec son armée parfaitement rangée, l'attaque de l'adversaire qui ne lui rendit toutefois pas le service de l'attaquer là où il était le plus fort. Après des heures d'attente vaine, l'armée dut chaque fois retourner dans le camp. Après diverses fausses alertes, Charles devint toujours plus méfiant à l'égard des nouvelles qu'on lui apportait.
Le 22 juin, il ne se mit plus en campagne après n'avoir rien pu apprendre la veille sur l'ennemi au cours d'une reconnaissance superficielle et tandis qu'une forte pluie rendait une attaque peu favorable.
Au conseil de guerre des Confédérés, qui manquait d'un chef éminent - seule la personnalité d'Adrien de Bubenberg dominait les événements - on se préoccupait avant tout d'éviter que l'armée bourguignonne puisse encore une fois échapper. Il ne pouvait donc pas s'agir pour les Confédérés de se jeter simplement sur l'ennemi de face et de le battre: il aurait seulement été refoulé et aurait gardé la possibilité d'échapper en se repliant dans la direction où il était
repoussé. Il fallait prohiber un tel mouvement de fuite de l'ennemi en l'empêchant dès le début, avec des forces importantes, de battre
en retraite. L'adossement au lac qui constituait une garantie absolue contre une évasion vers le
nord, offrait la possibilité d'un tel encerclement au cours duquel un vaste mouvement enveloppant vers le sud devait couper à l'ennemi sa ligne de retraite.
Ainsi fut conçu le plan de la bataille de Morat: retenir l'adversaire de face avec des forces plus importantes et tourner le camp adverse avec une aile gauche nettement plus forte pour lui couper toute possibilité d'échapper vers l'extrémité supérieure du lac. Fixé à l'est et cerné au sud et à l'ouest, l'ennemi qui se trouverait ainsi enfermé, serait soit broyé entre les armées fédérales soit jeté dans le lac.
Pour atteindre ce but, la division habituelle de l'armée fédérale consistant à échelonner en profondeur les différents assauts, fut abandonnée; les assauts furent dès le début donnés côte à côte pour si possible gagner de l'espace et ainsi la liberté de manœuvre pour le grand mouvement d'encerclement prévu. L'avant-garde, d'environ 5000 hommes, commandée par Hans de Hallwyl, comprenant de nombreux arbalétriers et canonniers et un grand nombre de
lanciers, devait attaquer directement la «haie vive» ennemie, l'enfoncer puis pénétrer par le chemin le plus proche dans le camp de Charles pour rengager tout de suite au combat. Les cavaliers sous les ordres de René de Lorraine et du comte de Thierstein devaient, à gauche de l'avant-garde, se frayer un chemin en même temps qu'elle, d'abord pour protéger ses flancs et engager le combat avec la cavalerie adverse et ensuite pour entreprendre la poursuite de l'ennemi aussitôt qu'il commencerait à faiblir. La puissante troupe d'assaut de Hans Waldmann, forte d'environ 15000 hommes, momentanément rangée un peu en arrière, devait attaquer l'aile gauche et tout de suite commencer le large mouvement d'encadrement de l'ennemi pour ensuite refermer le cercle dans lequel l'adversaire devait être anéanti.
Le matin du 22 juin, les troupes confédérées prêtes au combat prirent position dans les forêts à l'est de la « haie vive». Vers midi, elles passèrent à l'attaque. La pluie avait cessé, le soleil parut à travers les nuages.
L'avant-garde commença l'attaque en donnant l'assaut en formation carrée serrée directement contre la «haie vive» en même temps que la cavalerie s'avançait au combat sur sa gauche. La forte garde mobile bourguignonne défendant la « haie vive» déversa tout de suite sur les assaillants une grêle drue de balles et de pierres et immobilisa momentanément l'attaque. Mais une manœuvre tournante autour de la «haie vive» qui permit d'atteindre l'obstacle de derrière
surmonta la crise et ouvrit le chemin du camp de Charles aux assaillants. L'avant-garde et la cavalerie descendirent alors la pente au pas de course en arrachant tout ce qui se trouvait sur leur passage: des restes de la garde mobile et des bandes bourguignonnes nouvellement formées. Celles-ci ne pouvaient nulle part prendre pied et furent balayées par la puissance de l'avant-garde confédérée. Tout ceci fut accompli en quelques instants. Le duc avait fait sonner
l'alarme dans le camp trop tard - ses troupes commençaient seulement à se rassembler lorsque les Confédérés se trouvaient déjà dans le camp. Il fallait maintenant se mettre à combattre quel que fut l'état de la formation ou le lieu. Les manœuvres exercées selon l'art de la guerre ne pouvaient être réalisées, il ne restait plus qu'à se défendre sur place. Les Confédérés avaient fondu sur l'armée bourguignonne d'une manière si surprenante et avec une telle violence qu'on
ne pouvait plus penser à une défense organisée. Les bandes désordonnées qui entraient dans le combat furent entraînées dans la fuite des troupes d'avant-garde refoulées, ou submergées par les Confédérés. Lorsque quelques instants plus tard les forces principales en même temps que l'arrière-garde entrèrent dans le combat elles n'eurent plus qu'à achever l'opération. Elles anéantirent toute résistance et empêchèrent toute formation défensive. Tout fut accompli dans le temps le plus court.
Tandis que l'avant-garde poursuivait de face l'ennemi faiblissant à travers le camp bourguignon, la troupe de choc et l'arrière-garde activement soutenues par la cavalerie effectuèrent tout de suite leur grand mouvement d'encerclement prévu. Les troupes confédérées se précipitèrent en descendant à l'ouest par Münchwiler des deux côtés du Bois de Domingue afin de couper la retraite à l'ennemi battu. Ils atteignirent le lac à Greng et à Faoug; ainsi la tenaille mortelle s'était refermée. Un violent combat reprit là, à la pointe supérieure du lac, pour forcer cet anneau. Mais
ceux qui réussirent à se faufiler hors du verrou ne furent pas nombreux. Les autres furent impitoyablement abattus ou jetés dans le lac où ils se noyèrent.
Aussitôt que Bubenberg put distinguer entre les créneaux de la ville la marche des événements, il se jeta aussi dans la bataille. Il fit une sortie massive par la porte occidentale de la ville, saisit les troupes milanaises d'Antoine de Bourgogne stationnées là par derrière et les maintint dans le combat jusqu'à ce que la boucle fut refermée à l'ouest.
Vers le soir, la bataille était gagnée et l'armée bourguignonne anéantie. 10000 à 12000 morts restaient sur le terrain. Les Confédérés ne déploraient que 410 morts qui étaient en grande partie tombés devant la «haie vive». Le butin était de nouveau important. Il comprenait de nouveau toute l'artillerie bourguignonne. Pourtant il s'agissait d'une bagatelle si on le comparait à celui de Grandson.
Les Bourguignons n'étaient parvenus à exercer une influence - momentanée - que sur quelques phases de la bataille: la garde de la « haie vive» retint pendant peu de temps l'avance des Confédérés; cependant elle n'était pas seulement trop faible pour opposer une résistance durable mais aussi trop éloignée du camp pour assurer le déploiement de l'armée. Plus tard, ce furent encore les cavaliers de Charles qui accomplirent une action unie et retardèrent sérieusement la cavalerie beaucoup plus faible des Confédérés sur la hauteur de Burg; puis les piques des forces principales amenèrent là aussi la volte-face.
La bataille de Morat est la plus remarquable et à sa manière la plus parfaite bataille des Confédérés. Par elle, ils atteignirent le plus haut objectif que peut atteindre une armée dans le combat: l'anéantissement massif d'une armée ennemie dans le temps le plus court avec le moins de pertes propres que possible. Morat fait partie des grandes batailles d'anéantissement de l'histoire de la guerre.
Le plan de combat des Confédérés fut dès le début établi pour obtenir le plus vite que possible la victoire, considérée comme assurée, et pour anéantir complètement l'adversaire. Hors de cette idée dominante d'anéantissement, toutes les considérations secondaires ou accessoires - entre autres les soucis pour Morat qui luttait péniblement - durent être refoulées. Grâce à une concentration aussi nette sur l'essentiel, le succès survint au lieu décisif où la victoire sur les
points accessoires devait survenir d'elle-même. La victoire de Morat fut avant tout remportée grâce aux défenseurs de la ville de Morat qui avaient établi les conditions extérieures nécessaires au coup décisif par leur courage, leurs connaissances et leur endurance. Tout était dominé par la personnalité supérieure de Bubenberg. Il remplit la garnison et la population de son esprit de résistance jusqu'au bout: c'est grâce à cette puissante figure que Morat a supporté
victorieusement sa détresse et qu'elle trouva finalement encore la force d'intervenir avec succès, par sa sortie, dans le combat décisif. Par leur vaillante résistance, les défenseurs de Morat n'ont pas seulement permis le rassemblement des troupes confédérées mais aussi retenu dans des combats des forces importantes de Charles et ils l'ont obligé à une dispersion de ses moyens en le forçant à se défendre sur deux fronts.
De nouveau les Confédérés ne surent pas utiliser leur succès militaire accablant. Aussitôt que la bataille fut gagnée, ils se dispersèrent à nouveau. Leur participation se limita à leur action d'une puissance inouïe dans la bataille: la période creuse qui suivit ne les intéressait plus, de sorte que presque tout ce qui avait été gagné sur le champ de bataille fut reperdu sur le plan politique.
Les Confédérés
Le parti des Confédérés se composait, tout d'abord, des huit cantons de Zurich, Berne, Lucerne,
Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris et Zoug et de leurs possessions communes. A leurs rangs se
joignaient les pays alliés: Schaffhouse, l'abbaye et la ville de Saint-Gall, Appenzell, Rottweil et
Mulhouse; à l'ouest, les partisans de Berne: Fribourg, Soleure, Bienne et la partie méridionale
de l'évêché de Bâle; Neuchâtel, Morat et Payerne; et enfin le comté de Gruyères et le Haut-
Valais.
1465
Mort d'Isabelle de Bourbon, épouse du Téméraire. - Charles le Téméraire se joint à des nobles français dans la Ligue du bien public et combat Louis XI.
1467
Traité de neutralité entre les Confédérés d'une part, et Philippe le Bon et Charles le Téméraire de
l'autre. - Mort de Philippe le Bon. Charles le Téméraire lui succède.
1468
Charles le Téméraire réprime la révolte de Liège et contraint Louis XI au traité de Péronne par lequel ce dernier renonce à toute prétention en Bourgogne. - Charles le Téméraire épouse Marguerite d'York, sœur du roi Edouard IV d'Angleterre.
1469
Alliance entre l'Autriche et la Bourgogne: Contre un prêt de 50000 florins d'or à Sigismond d'Autriche, Charles reçoit les possessions de ce dernier en Alsace. A la fin de l'automne, les villes de Rheinfelden et Laufenburg avec leurs possessions deviennent bourguignonnes. Le Fricktal est administré par les Bourguignons. La Bourgogne et la Confédération sont limitrophes.
1470
Le 13 août, les Confédérés signent avec Louis XI un traité de neutralité par lequel les deux parties s'engagent à ne pas soutenir la Bourgogne en cas de guerre.
1471
Charles le Téméraire crée une armée permanente sur le modèle français à laquelle sont adjointes des troupes mercenaires.
1472
Philippe de Commynes quitte la cour de Bourgogne et entre au service de Louis XI.
1473
Après la mort du duc Arnold de Gueldre et Zutphen, Charles s'empare de ces territoires par la force. - Il soumet à J'empereur Frédéric III à Trèves des plans pour un royaume de Bourgogne comprenant, outre les territoires déjà bourguignons, la Lorraine, les évêchés de Liège, Utrecht, Tournai, Cambrai, la Confédération suisse et la Savoie. - Projet de mariage entre sa fille Marie et Maximilien. - Brouille de Charles et de J'empereur. Charles essaie de rétablir par la force J'archevêque Ruprecht de Cologne chassé de ses terres, se heurte à une résistance énergique devant la ville de Neuss et commence un siège qu'il devra lever J'année suivante sans avoir obtenu aucun succès.
1474
A la fin du mois de mars, les Confédérés signent avec Sigismond d'Autriche un traité: la Paix perpétuelle. Les Suisses s'engagent à lui porter aide en cas de guerre contre la Bourgogne. Le 25 octobre, Berne, poussée par l'empereur Frédéric III, fait porter à Charles le Téméraire une déclaration de guerre au nom de tous les Confédérés. Le 26 octobre, les Confédérés signent une nouvelle alliance avec Louis XI aux termes. de laquelle les deux Etats s'engagent à se prêter mutuellement secours dans la guerre contre la Bourgogne. Si la France ne pouvait pas envoyer de troupes, elle devait participer aux frais de la guerre pour un montant de 80000 fr. par année; de plus une somme de 20 000 fr. par an était prévue au cas où la France aurait besoin de troupes armées confédérées (premier contrat de solde et de pension). - Berne, se voyant encerclée par la Bourgogne, unit tous les cantons en un front anti-bourguignon. -13 novembre: Première défaite des Bourguignons à Héricourt. La victoire des Confédérés est un succès mais n'est pas décisive et n'empêche aucunement la petite guerre de continuer sans restriction à la frontière bourguignonne.
1475
Le 2 janvier, Louis XI confirme son alliance avec les Suisses. - Prise de Pontarlier en avril et de Blamont le 14 août. - Rupture entre Berne et la Savoie sous le prétexte que la duchesse Yolande a autorisé le passage des mercenaires de Charles le Téméraire à travers ses possessions. Le 16 août 1475, les Bernois attaquent près d'Aigle une troupe de mercenaires italiens, s'emparent de la ville et de la seigneurie d'Aigle et y placent un bailli. Le 14 octobre, Berne et Fribourg jettent un défi au comte de Romont et commencent le même jour leur deuxième campagne dans le Pays de Vaud. Morat, Cudrefin, Avenches, Payerne se rendent sans lutte; Estavayer se défend; la population masculine est massacrée, les femmes et les enfants se noient en voulant fuir par le lac sur des barques trop chargées. Les Fribourgeois emmènent 100 chariots chargés de butin. Après Estavayer, ce sont Moudon, chef-lieu du Pays de Vaud, Oron, Romont, Rue; l'est du pays tombe entre les mains des Bernois sans combat, puis c'est la chute d'Yverdon et la prise de la place forte des Clées, forteresse dominant le col de Jougne et défendue par Pierre de Cossonay. Lausanne, ville et chapitre, paie 2000 florins pour ne pas être pillée; Genève, 26 000 écus, dont le premier paiement est exécuté sous la forme de précieux ornements d'église.
Charles le Téméraire, inquiet des événements intervenus sur la frontière méridionale, abandonne le camp de Neuss et se rend à Nancy.
50
1476
Le 11 janvier 1476, il lève en hâte le camp de Nancy et se dirige vers le sud avec toute son armée. Il marche en direction de l'actuelle Suisse occidentale.
Le 1er février, Berne lance le premier cri d'alarme aux Confédérés. Le 10 février, Charles le Téméraire passe le col de Jougne; le 13, il est à Orbe, d'où il se dirige vers Grandson; la garnison capitule après une tentative de déblocage du siège déjouée par le feu de l'artillerie bourguignonne et est massacrée. C'est un - signal d'alarme pour les Confédérés. La Diète décide une action générale, mais pour le 23 février seulement, ce qui supprime tout espoir de sauver Grandson.
Berne part provisoirement seule en campagne pour subir le premier choc et envoie le 16 février le plus gros de son armée, soit 7000 hommes sous le commandement de Nicolas de Scharnachthal et Hans de Hallwyl à Morat, pensant que l'ennemi arrivera par Payerne.
Le 1.r mars, Charles prend le château de Vaumarcus, qui domine le défilé entre les vignobles et le lac sur fa route de Grandson à Neuchâtel. " décide de
quitter les lieux le 2 mars pour s'avancer sur l'en- . nemi, contre l'avis de ses conseillers qui lui proposent d'attendre les Suisses en son camp bien fortifié de Grandson.
2 mars: bataille de Grandson. Les Bourguignons arrivent ainsi jusqu'à Concise, à l'endroit où la rive du lac s'élargit en plaine, juste avant le défilé de Vaumarcus. Les Confédérés se précipitent des hauteurs sur le flanc de l'armée ennemie bloquée dans le défilé et y sèment le désarroi. Comme Charles tente de rappeler son artillerie et sa cavalerie pour les placer sur un terrain plus favorable, la panique s'empare de l'armée bourguignonne et il s'ensuit une fuite générale: tous se mirent en fuite en merveilleux désordre, semblans estre chassez par quelque puissance invisible. Les Bourguignons fuioyent plus que les Suisses ne pouvoyent suivre. . . (Guillaume Paradin, Annales de Bourgogne, Lyon 1566, 171). Le camp de Charles tombe aux mains des Confédérés: le Butin de Grandson. (Pour les sources, voir Deuchler 16-18.)
Charles rassemble son armée dispersée au-dessus de Lausanne, sur le Jorat, où il établit un camp dans la plaine du Loup. Le duc achète des armes en Italie et à Genève et enrôle de nouveaux mercenaires en Lombardie. Yolande de Savoie lui procure les fonds nécessaires et lui envoie en outre 4000 hommes. Le 27 mai, Charles lève le camp et atteint Morat le 9 juin. Deux jours plus tard il assiège la ville. La garnison de Morat, commandée par Adrien de Bubenberg, résiste aux assauts des Bourguignons jusqu'à l'arrivée de l'armée des Confédérés forte de 24 000 hommes.
22 juin: bataille de Morat. Anéantissement de l'armée bourguignonne. Butin important mais moins spectaculaire que celui de Grandson. Campagne des Bernois et des Fribourgeois dans le Pays de Vaud; les 26 et 28 juin, pillage de Lausanne.
Après les défaites de Charles à Grandson et à Morat, Louis XI négocie avec les Suisses à Plessis-les-Tours en octobre 1476. Les Confédérés, représentés par Guillaume de Diesbach et Adrien de Bubenberg, demandent au roi une indemnisation de 80 000 florins pour leur campagne contre la Bourgogne. Louis leur en accorde 24000 et leur demande de poursuivre la guerre contre Charles. La Diète, réunie en août à Fribourg, acquiesce au désir du roi en accordant à ce dernier et à René de Lorraine l'autorisation d'enrôler des troupes suisses.
1477
Bataille de Nancy, le 5 janvier, par un froid terrible. Mort de Charles le Téméraire.