Coups d´oeil sur le XVe siècle |
STATUTS DES PEINTRES, SCULPTEURS, BRODEURS ET
ENLUMINEURS D’AMIENS
du 5 décembre 1400
Comme les maistres et compagnons des stilles et mestiers de peintres,
entailleurs, brodeurs et enlumineurs de cette ville d’Amiens nous eussent fait
présenter certaine requeste en notre eschevinage, contenant que à nous, soubz le
roy nostre sire, compettoit et appartenoit la pollice et gourvernenement de
ladicte ville d’Amiens, avecq le regard de touttes les mestiers d’icelle,
ensemble aussy de créer et ordonner en chacun estat et mestier brefs, statuts et
ordonnances pour le bien de la ville et de la chose publique, iceuls muer,
corriger et augmenter, selon l’exigence du cas et qu’il le requiroit, pour
obvier aux fraudes que en ce pouroient faire et commetre, lesquels suplians ne
leurs prédécesseurs en ladite ville, en tant qu’il fut venu à leur cognoissance,
ne avoient jamais eu aucuns brefs et statuts ne ordonnances, pour laquelle cause
et pour le bien des stilles et mestiers, iceux supliants avoient advisé ensemble
plusieurs points et articles, lesquels ils nous requéroient leurs estre accordés
par manière de brefs et ordonnances, et doresnavant estre gardé et entretenus
sur telle peine qu’il nous plaira estre ordonnées ; sçavoir faisons que, veu
ladite requeste et articles, et sur ce eu conseils et advis en nostre
eschevinage, nous, pour le bien desdicts mestiers de ladite ville, et aussi
obvier aux fraudes qui se pourroient commetre esdits stilles et mestiers, avons
audits suppliants ordonnés et ordonnons, à nostre volonté et rapel et en forme
de brefs, statuts et ordonnances, les pointz et articles cy-dessous déclaré :
1. C'est à sçavoir que doresnavant tous ceux quy voudront ouvrer et besongner
en ladicte ville desdicts stilles ou mestiers ne se pourrout entremettre que
d'un mestier, se il n'est accordant audict mestier, c'est à sçavoir que un peintre
ne poura ouvrer d'ouvrages de taille et un tailleur peindre, et ainsy de tous
autres stilles ou mestiers,
2, Item, que nuls des maistres desdicts mestiers ne pouront avoir en iceux
mestiers qu'un apprentif qu'il ne soit tenu le temps et espace de trois ans du¬rant
et continuels; lesquels apprentis, chacuns pour sa bienvenue, serout tenus payer
la somme de soixante solz, à sçavoir trente solz à la confrérie de monsieur
saint Luc, et trente solz à la volonté desdicts maistres.
3, Item, que lesdits apprentis ne se pourront partir du service de leursdits
maistres, sans avoir faict et accomplis leurs services lesdicts trois ans
durant, ne aussy lever leurs mestiers, sans avoir faict lesdits apprentisage
icelluy temps durant.
4. Item, que les compagnons venant de dehors en ladicte ville d"Amiens ne
pourront besongner ny gaigner sur aucuns desdicts mestiers plus d'un mois, sans
payer chacuns d'eux par mois deux solz à la confrérie de monsieur saint Luc, à
sçavoir la moittié à la confrérie de monsieur saint Luc, l'autre moittié audict
mestier, dont les maistres où ils travailleront seront responsables,
5. Item, que les compagnons quy auront faict leur apprentissage le temps de
trois ans ne pouront estre receu à la maistrise que par chefs-d'œuvre, seront
tenu de faire un tableau dont le fond sera de trois pieds et demy sans compren¬dre
la bordure, lequel fond sera présenté aux maistres avec le dessein, pour le
faire voir aux esgards auparavant que de commencer ledit tableau, lesquels ils
seront tenus de faire au logis de l'un des esgards; et quand les esgardz et
jurez et maistres auront trouvé le chef-d'œuvre dudit aspirant en estat et
suffisant pour estre receu maistre, cependant ne pourra parvenir à la maistrise
que préalablement il n'aye paié la somme de vingt-cinq livres à ladite confrérie
de monsieur sainct Luc. Et semblablement lesdits sculpteurs seront tenus, aux
mesme peine, à sçavoir ils feront une figure de trois pieds et demy de haut,
laquelle feront aussy dans la maison de l'un desdicts jurés; et aussy lesdicts
brodeurs seront tenu, à la même peine, de faire chefs-d'œuvre dans la maison
des dicts jurez; et deffence seront faite à tous estrangers de passer maistre, à
moins qu'ils n'eussent fait leurs apprentissage dans ladite ville, et lesdits
esgards qui entreront en charge le lendemain de Saint-Luc seront tenus de paier
chacun six livres pour leur entrée et six livres pour leur sorties, et les
antiens qui' au¬ront esté esgard paieront chacun soixante sols pour leurs
entrées et soixante sols pour la sortie, à la confrérie de monsieur saint Luc,
et les aspirant à la maistrise paieront, pour les droicts des esgards, huict
livres.
6. Item, que si les fils de maistre desdicts stilles vouloient lever et tenir
leurs mestiers en ladicte viIle, faire le pouront, en faisant expérience et
paiant seullement la somme de dix livres pour toutes choses, appliquables la
moittié à la confrérie de monsieur saint Luc et l'autre moittié auxdits maistres
jurez.
7. Item, que les apprentifs qui se présenteront pour estre receu maistre aiant
fait suffisant chef-d'œuvre, ainsy qu'il est dit, ne seront tenus d'autres
festins que celuy de la réception seulemeut, ou convertiront festins en pareille
valleur d'argent qu'ils donneront pour emploier aux nécessitez de ladicte communauté.
8. Que les chefs-d'œuvre de ceux quy se présenteront pour estre receu demeureront
à la chambre de la communauté, pour en estre après disposé et fait vendre par
lesdicts maistres et esgards, et les deniers en provenant seront emploiez au
proffict de ladite communauté, sy mieux n'ayment les poursuivant et compagnons,
pour retirer lesditz chefs-d'œuvre, reconnoistre ladite communauté de la valeur
desditz chefs-d'œuvres. "
Tous lesquels points et articles dessus déclaré nous avons ordonné et ordonnons
estre gardez et entretenus, sur peine, pour chacune fois que faute y ara, paier
des choses dessus dictes la somme de vingt livres dix sols d’amende, à appliquer
moittié à ladite confrérie de monsieur saint Luc et l'autre moittié auxdits
jurez. Du cinquiesme jour de décembre, l'an mil quatre cens.
Archiv. de l’hôtel de ville d'Amiens, copie en papier, liasse cotée n 8, n° 16,
dans l’inventaire de Gresset.
N.B. le nouveau réglement de 1491 inclu également les verriers. La limitation à 1 apprenti est levée. Les droits de bienvenue et de maîtrise sont diminués. Les compagnons forains ne peuvent plus que travailler 8 jours gratuitement. Les droits de maîtrise pour fils de maître sont affaiblis.